Avantages Techniques

Le rapport feuilles/fruits est critère plus pertinent que la densité de plantation

Extrait de : La Vigne * N 197 –
Date :Avril 2008
Auteur : Propos recueilli par Aude Lutun

François Murisier,
Responsable à la station de recherche Agroscope de Changins (Suisse)
Ingénieur Agronome et thèse de doctorat sur le rapport feuilles/ fruits et la chlorose.
Président de la commission Viticulture à l’office International du Vin
Directeur du département viticulture et Œnologie depuis 1993

LA VIGNE : Vous venez de publier les résultats d’essais sur l’influence de l’écartement entre les ceps, sur le rang. Quelles sont vos conclusions ?

François Murisier: « Nous avons fait ces essais sur du gamay et du chasselas dans deux centres en Suisse. Nous avons comparé le rendement, la teneur en sucre et l’acidité des moûts pour des ceps écartés de 75cm et de 100 cm, La hauteur foliaire variait de 80 à 120 cm, et la distance entre les rangs de vignes de 120, 150 et 180 cm. Les résultats obtenus montrent que la distance entre les ceps, sur un même rang, n’a pas d’effet sur la qualité des vins dans la mesure où tout le plan de palissage est occupé par la végétation.»

Et l’influence de l’écartement entre les rangs ?

F.M. : « La distance entre les rangs a, en revanche plus d’importance. Nous avons réalisé un essai avec quatre distances différentes entre les rangs : 120 cm, 160 cm, 200cm et 240 cm, avec une espace fixe entre deux ceps de 85 cm. La haie foliaire variait entre 75 et 125 cm. Résultat: plus on écarte les rangs, plus il faut laisser de la hauteur à la vigne pour qu’il y ait une bonne surface foliaire. On peut difficilement aller au-delà de 2 m entre deux rangs de vignes, car il faudrait alors des haies foliaires trop hautes qui seraient difficilement mécanisables. Dès qu’on a un écartement de 2,50 m, on doit baisser le rendement pour avoir un rapport feuilles/fruits correct. Ou alors on dédouble les rangs pour obtenir une vigne en lyre, qui donne de bons résultats sur le plan physiologique, mais dont la mécanisation est difficile. A noter que la variation de l’écartement entre les rangs n’a pas eu d’effet marqué sur la fertilité des bourgeons, le poids des baies et les composants de l’acidité des moûts. »

Quel est le paramètre le plus important à prendre en compte ?

F.M. : « C’est le rapport feuilles/ fruits. Selon les cépages, il faut respecter 1 à 1,2 m² de feuilles par kilo de raisin produit. Le rapport feuilles/fruits, ou SCEV/PR (surface externe du couvert végétal/production), se calcule facilement. Pour la SCEV on procède de la manière suivante : hauteur du feuillage x 2 + largeur du feuillage le tout divisé par l’écart (en mètres) entre deux rangs. Pour avoir le rapport SCEV/PR, on divise la SCEV par le rendement en kg.»

Si on s’écarte du rapport 1 à 1,2 m²/kg, quels sont les risques ?

F.M. : « Il est inutile d’aller au-delà de 1,2 m² de feuilles par kilo de raisin, car la vigne est alors trop vigoureuse, avec tous les effets néfastes sur la maturité que cela peut engendrer. En dessous de 1 m²/kg. on s’expose à un déficit en sucre. Les racines manquant de réserves, on observe souvent un phénomène de chlorose l’année d’après, dans les situations exposées à cet accident.»

Quels conseils donneriez-vous à un vigneron qui va planter une vigne ?

F.M.: « Il faut déjà regarder le rendement maximal souhaité, puis définir un écartement entre les rangs adapté à son matériel. Ensuite, on fixe la hauteur du feuillage. L’écartement entre les ceps, sur le rang, dépend du mode de taille choisi et ne joue pas de rôle prépondérant sur la qualité. »

Ces résultats confirment donc ceux publiés précédemment. Le respect du rapport feuilles/fruits est le principal critère de qualité?

F.M. : « Oui, en tout cas pour l’accumulation des sucres. Il faudrait également bien analyser les effets des différents modes de conduite de la vigne sur les polyphénols et les arômes. Ces composés évoluent souvent parallèlement au sucre. La notion de densité de plantation doit être considérée en la mettant en relation avec la surface foliaire. »

En France, l’Inao préfère se focaliser sur la densité de plantation comme critère qualitatif, estimant qu’il est difficile de codifier la notion de rapport feuilles/ fruit dans un décret. Qu’en pensez-vous?

F.M. : « J’ai fait partie de la commission d’experts nominés par l’lnao (Institut national d’origine contrôlée) sur les vignes en espalier. Nous avions alors estimé que l’essentiel était d’avoir 1 à 1,2 m² de feuilles pour produire 1 kg de raisin. En respectant ce critère, il est également possible de produire des vins qualitatifs avec des vignes hautes et larges. La commission technique de l’lnao avait entendu ce message et était d’accord avec nos conclusions, mais trouvait ce concept plus difficile à mettre en oeuvre, C’est vrai que la notion de SCEV/PR est un paramètre moins facile à appréhender que la densité de plantation, qui ne bouge pas d’année en année. Néanmoins, sur des vignes palissées comme c’est le cas dans de nombreux vignobles en France, on peut assez facilement observer une surface foliaire. C’est moins facile pour les vignes en gobelet du sud de la France. La notion de surface foliaire est plus mo­derne et plus juste, mais plus délicate à contrôler.»

* Président de la commission viticulture à roiv


Extraits du BILAN DES EXPERIMENTATIONS DENSITE DE PLANTATION 1962 - 1995

CHAMBRE D'AGRICULTURE DE SAONE ET LOIRE
SERVICE VITICOLE - Didier Sauvage - août 1995

 

- INFLUENCE SUR LES TEMPS DE TRAVAUX

Des observations réalisées en 1972 donnent les résultats suivants (sur l'essai de Givry en heures/ha) :

Opération
vignes hautes et larges
témoin
différence
TOTAL
164 h 45
423 h
-258 h 15

- CONCLUSION

Les résultats obtenus de 1962 à 1979 sur différents sites d'expérimentations viticoles n'ont pas permis de trancher de façon nette entre les niveaux de qualité obtenus dans les vignes larges et dans les vignes traditionnelles.
Les résultats sur le long terme semblent proches mais ils ont été obtenus avec des rendements inférieurs en vignes hautes et larges.

II est certain que les densités de plantation faibles ont un effet direct sur :

  • la trésorerie des exploitations
  • l'organisation du travail
  • la pénibilité du travail.

CONCLUSION GENERALE

S'il est peu aisé de dégager des différences nettes sur les critères de production et de qualité, il est net que les vignes larges conduisent à des réductions de charges importantes sur les exploitations. Le débat se situe donc bien à ce niveau, beaucoup plus qu'au niveau technique proprement dit.

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Utilisation de matériel classique type verger ou grande culture
Enherbement des inter rangs


La largeur des inter rangs (de 2m50 à 3m pour les vignes hautes planes, 3m à 3m30 pour les lyres) permet l'utilisation de matériel stable, polyvalent, non spécifique à la vigne. L'entretien de la bande enherbée entre les rangs et le désherbage (mécanique ou chimique) sous les rangs est facilité par l'utilisation de ce type de matériel et par la hauteur des troncs.

  • Le matériel de traction, comme les équipements divers revient à l'achat entre 50 et 70 % moins cher.
  • Ces matériels sont très souvent plus résistants et les séries importantes permettent d'avoir beaucoup de garanties de fabrication et une fiabilité sans équivalent dans les emjambeurs.
  • Les coûts d'achat et de maintenance n'ont rien à voir
  • Les accidents mortels sont extrêmement rares - La liste des accidents mortels est malheureusement très longue avec les emjambeurs sans compter tous les cas de retournement sans dommages corporels , mais au coût final très lourd.
  • Mieux vaut investir dans la qualité de l'élevage (Fûts) et dans la commercialisation.

Lutte contre l'érosion


L'enherbement est un outil de lutte contre l'érosion. Il est ainsi possible de planter les meilleurs coteaux jusqu'à 40% de pente sans érosion.
Sur les coteaux, les vignes peuvent aussi être plantées selon les courbes de niveau (intéressant surtout dans le cas des vignes plates). Les mini- terrasses ainsi constituées retiennent la terre. C'est l'utilisation de tracteurs type verger qui autorise ce type de plantation, le problème de dévers rend cela impossible avec les enjambeurs.

 

Amélioration des conditions du travail manuel


La hauteur du fil de taille, fil d'attache du cordon (60cm à 80cm) diminue la pénibilité du travail, augmentant ainsi son efficacité et préservant la santé des vignerons.

  • Fini les lombalgies ( source : de douleur , de conflit dans les équipes et de coût )
  • La pénibilité du travail est sans commune mesure.
  • LE MAL DE DOS, gros problème en Vigne Traditionnelle, est quasi inexistant.

 

Diminution du temps de travail


La taille en cordon de Royat ou en cordon bilatéral, taille pratiquée le plus souvent sur vigne haute, permet d'effectuer une prétaille mécanique, qui réduit de près de 50% le temps de travail de la taille et du tirage des sarments (contre une réduction de 20 à 30% dans le cas de la taille en Guyot).Pour le viticulteur, c'est du temps en plus pour s'occuper de ses vignes et de son vin.

  • Facilité pour effectuer tous les travaux du sol - le compactage est souvent à l'origine de blocage d'assimilation racinaire.
    Le décompactage est très facile - Coutre - chisel - labour - bêchage - griffage - cover croop - disque

 

Diminution des risques de gel et des dégâts dus à la grêle


La hauteur du cep fait que les bourgeons, plus loin du sol, sont moins sensibles au gel. On observe également une plus forte résistance à la grêle dû à une hauteur de végétation qui portège les raisins (très net en Août 2001 - Cheilly les Maranges).

 

Meilleure résistance aux variations climatiques brutales


La hauteur du pied et la taille en cordon font que les ceps sont plus grands et plus gros, constitués de plus de vieux bois. Les réserves en amidon à proximité sont donc plus importantes et permettent d'alimenter des parties précises de la plante en cas de besoin urgent (gelée, grêle, période froide lors de la floraison ou de la maturation…).

 

Meilleur état sanitaire des grappes et du feuillage


L'amélioration de la portance du sol par la présence d'une bande centrale enherbée permet aux tracteurs de passer pour traiter immédiatement après les orages (essentiel pour la lutte contre des agents pathogènes tels que le Mildiou).
Les viticulteurs ont observé que les vignes hautes étaient moins sensibles aux attaques de Botrytis que les vignes basses. Les grappes, loin du sol, sont mieux ventilées et sont à l'abri de l'humidité. De plus, dans le cas du palissage en lyre, le dédoublement de la végétation assure une très bonne aération des grappes. Il s'en suit un taux d'infection des grappes encore plus faible par la pourriture.
L'herbe de l'inter rang entre en compétition avec les ceps pour l'appropriation de la ressource en eau et en azote, ce qui permet une maîtrise de la vigueur des pieds et évite que les raisins ne se gorgent d'eau à la veille de la maturité.

  • Le palissage doit être soigné , mais laisse beaucoup plus de souplesse pour intervenir.
    même en pousse rapide.
  • Meilleur gestion des pics d'activité.
  • Les raisins étant à + de 70 cm du sol ne sont plus éclaboussé de particules de terre
    avec toutes les conséquences que l'ont connaît.

 

Meilleure expression du terroir et diminution de la
sensibilité à la sécheresse


Pendant les 2 à 3 premières années, la vigne soufre de la concurrence avec l'herbe de l'inter rang. On n'enherbe donc d'abord qu'un inter rang sur deux. Puis elle réagit en développant une partie de son système racinaire en profondeur (au delà de 20cm, profondeur des racines de graminées) et est alors capable d'aller puiser dans les réserves en eau du sous-sol.
L'herbe favorise la plongée des racines de la vigne, diminuant ainsi sa sensibilité à la sécheresse superficielle du sol et mettant en valeur les caractéristiques spécifiques de ce sol.

 

L'approche humaine

Ce mode de conduite est un des moyens , de conserver des petites exploitations et même de les favoriser. La course à l'agrandissement n'est plus une nécessité comme c'est le cas en vigne étroite si on veut en AOC régionales pouvoir s'équiper correctement. L'installation des jeunes ne peut qu'être facilitée.

 

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